mardi 18 janvier 2011

Réflexion sur l'Afrique

Mardi 3 novembre 2009

L’Afrique possède d’énormes ressources d’énergie solaire. Elle a un potentiel d’énergies renouvelables, solaires, hydroélectriques, éoliennes, du pétrole, du gaz, des métaux divers, de l’uranium, du bois, du poisson etc. Nonobstant, les indicateurs sociaux n’ont pas évolué positivement : les vingt derniers rangs (sur 177 pays) dans le classement de l’indice de développement humain établi par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sont occupés par des pays d’Afrique subsaharienne.

Notre présent article n’a pas pour objectif de focaliser l’attention de nos lecteurs sur les indicateurs macroéconomiques de l’Afrique, il s’agit de dire ici avec humilité et franchise que notre continent est marginalisé dans tout en dépit de ses fabuleuses ressources.

L’Afrique est un continent marginalisé

Malgré de grandes disparités entre les pays du continent, l’Afrique semble accrochée au wagon de queue du reste du monde. La part de l’Afrique subsaharienne dans le commerce mondial demeure marginale.
La question de la marginalisation croissante de l'Afrique dans le commerce mondial est avérée. La part du continent dans les exportations mondiales a fortement décliné, passant de 5,5 % en 1975 à environ 2,5 % en 2002. Cette marginalisation est souvent examinée en s'intéressant à l'accès insuffisant aux marchés extérieurs dont seraient victimes les pays africains, ou à la taille économique relative de ces pays, en retard de croissance sur les pays dits émergents.

Ce qui est certain, c’est que, déclassée géographiquement sur l’échiquier international, notre continent regroupant 14% de la population mondiale, représente 1,8% du produit intérieur brut (PIB) mondial, 2% du commerce mondial et 5% des investissements directs étrangers (IDE). Pire encore, ce que l’Afrique néglige c’est sa marginalisation monétaire et financière.

Le monde est aujourd’hui gouverné par vingt pays, qu’on a vite nommé G20. Pour mémoire,
ce groupe des 20 (ou G20) est un forum économique qui a été créé en 1999, après la succession de crises financières dans les années 1990. Il vise à favoriser la concertation internationale, en intégrant le principe d'un dialogue élargi tenant compte du poids économique croissant pris par un certain nombre de pays.

Le G20 représente les deux tiers du commerce et de la population mondiale et plus de 85 % du produit mondial brut (somme des PIB de tous les pays du monde).

Selon la classification de la banque mondiale(2008), le rang de quelques pays du G20 dans le PIB mondial est le suivant : États-Unis, premier, Japon, deuxième, la Chine, troisième, le Brésil, huitième, Inde, douzième, Russie, neuvième, la Corée du sud, quinzième, l’Afrique du Sud est trente-deuxième.
Le seul pays africain du G20 est l’Afrique du Sud, qui est du reste le facteur limitant. Pourtant les pays africains trouvent encore des ressources pour clamer haut et fort leur désir de compter comme si la proclamation suffisait pour asseoir son existence.

Les pays qui comptent aujourd’hui

On sait tous déjà le « réveil chinois ». Monsieur Alain Peyrefitte a écrit en 1973 un livre «Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera». L'empire du Milieu s'est réveillé à la consommation et à la production de produits. A elle seule, la Chine représente 27% de la croissance mondiale, selon Bloomberg. La Chine représente 24% des réserves de devises (1 905 milliards de dollars en septembre 2008, quand le FMI doit se contenter 250 milliards), 20% de la population mondiale, 9% des exportations. C'est elle et ses 1,3 milliards d'habitants qui produisent la plupart des produits à bas coûts exportés à travers le monde, c'est également elle qui commande en masse des matières premières.

À coté de la Chine, il y a dans le carré d’as de l’économie mondiale : le Brésil, la Russie et l’Inde (BRIC). Lorsqu’on sait qu’à la suite de la crise asiatique de 1998, le FMI a été accusé d’imposer des recettes occidentales. C’est pour les contourner que les pays émergents ont pratiqué l’auto-assurance, accumulant de vastes réserves de devises grâce à une monnaie sous-évaluée. Ces pays ont compris que la monnaie comptait dans le développement, ce qui n’est pas le cas des pays de la zone franc par exemple. Il est estimé dans un rapport que le poids des BRIC dans la croissance mondiale passera de 20 % en 2003 à 40 % en 2025. Par ailleurs, leur poids total dans l’économie passera de 10 % en 2004 à plus de 20 % en 2025. Et c’est naturellement que les pays émergents prennent plus de poids au sein du FMI : 5 % des parts de cette institution devraient changer de main, après une première réallocation de 2,7% décidée en 2008. Ce n’est pas normal que la Chine (3,7%) possédant une économie trois fois et demie plus grande que la France (4,9%) et le Brésil (1,4%), dont l’économie est trois fois plus forte que la Belgique (2,1) soient derrière ces deux pays en termes de poids au FMI. C’est donc à juste titre que la France accepte de céder une part de ses voix au FMI aux pays émergents et d’abord à la Chine. Il est vrai que la France anticipe une négociation à venir sur le commerce international et la Chine est la première cause du déficit de la balance commerciale de la France. Le FMI calcule la capacité de décision d’un État en fonction de son poids économique. Avec 2 % à 3 % du commerce mondial, l’Afrique détient 2 % des droits de vote du FMI, elle ne représente rien, donc elle n’aura droit à rien. Mais pourquoi ces pays avancent tandis que l’Afrique stagne ?

L’Afrique n’a encore rien compris

«L’Afrique doit être considérée comme un partenaire, et ne doit pas être marginalisée» : telle était la déclaration en Septembre 2009, du directeur du département des affaires économiques de l’Union africaine (UA), l’Ivoirien René N’Guetta Kouassi, sur TV5. Evoquant la réforme du G20, transformé en «forum de coopération économique international», lors du sommet de Pittsburg, il a indiqué qu’«il y a des erreurs à corriger pour que la voix de l’Afrique soit entendue dans le concert des nations». Ce que notre frère a oublié c’est qu’aujourd’hui dans le concert des nations, «on compte parce qu’on pèse». Ce ne sont pas non plus les incantations de M. Ping rappelant que «L’Afrique, c’est dix fois l’Europe» qui changeront la configuration des choses. Ce dernier, en dénonçant l’absence de pays africains à la table des chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Washington : «Certes, il y avait l’Afrique du Sud. Mais l’Afrique du Sud représentait les pays émergents, comme l’Inde et la Chine, et non les pays en voie de développement», a-t-il estimé. Il a exigé de la communauté internationale que l’Afrique soit désormais associée aux décisions qui engageraient son destin.

Le véritable problème c’est que la participation africaine à l’économie mondiale est infime. Le continent joue un seul rôle depuis la période coloniale : mettre à la disposition des pays riches des matières premières qui alimentent leurs usines et qui font tourner l’économie mondiale. Le jour que les pays africains transformeront les matières premières bradées aux occidentaux et les concurrencer sur le marché international, alors ce sera le déclenchement d’un processus d’indépendance.

L’Afrique peut décoller

Certains experts attribuent les «souffrances» du continent souvent ironiquement à «l’incompétence» des dirigeants africains. Des savants comme Aimé Césaire, Frantz Fanon, Cheick Anta Diop à rebours des afropessimistes, ont démontré que l’Africain, par nature, n’est pas tributaire d’une incompétence biologique congénitale. Ces illustres savants n’ont jamais été ces chercheurs africains conciliants, dociles et dont l’infantilisme et la naïveté sont salués comme un signe d’ouverture à l’esprit universel. L’africain, sinon le noir à qui on déniait toute civilisation est celui-là même qui en fut le premier dépositaire de l’humanité avant de la transmettre aux autres peuples et notamment aux grecs, ancêtres culturels des européens. Ce détour historique vaut pour ce qu’il nous dit que l’Afrique peut se développer et compter dans le monde.

En effet, le continent peut réduire sa dépendance à l’égard des bailleurs s’il améliore encore l’environnement des affaires pour attirer les investisseurs, facilite les échanges régionaux et investit dans les infrastructures pour développer les marchés. Le secteur des télécommunications a démontré que des investisseurs pouvaient gagner de l’argent en Afrique dans le privé tout en contribuant à créer de la croissance et des emplois. Pour aider le secteur privé à investir considérablement pour rattraper son retard, l’Afrique doit innover en matière de réglementation.

Le 10 septembre dernier, le dernier rapport «Doing Business 2009» de la Banque mondiale, sur l’arsenal réglementaire qui encadre la vie des entreprises de 181 pays, plaçait quatre africains (Sénégal, Burkina, Botswana et l’Égypte) dans les dix premiers pays réformateurs. Seule l’Égypte figurait dans le peloton de tête de l’édition précédente. Une attractivité grandissante qui n’a pas échappé aux investisseurs internationaux. En 2007, le continent a établi un nouveau record avec 53 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE), selon le rapport 2008 sur l’investissement dans le monde de la Cnuced. Loin des 9 milliards par an enregistrés entre 1995 et 2000. Et dix pays (Nigeria, Égypte, Afrique du Sud, Maroc, Libye, Soudan, Guinée équatoriale, Algérie, Tunisie, Madagascar) concentrent 82 % des investissements étrangers.

En moyenne, l'accès au marché des pays africains est meilleur que celui de l'Amérique latine, de l'Asie, et de la région Pacifique.

L'Afrique est en passe de devenir la nouvelle frontière d'investissement des marchés émergents. Il ne s'agit plus seulement d'un engouement limité aux seuls grands marchés de la région, qu'ils soient sud-africains ou nigérians. Le Kenya, le Ghana, ou encore le Botswana sont en passe de devenir les nouvelles coqueluches des marchés financiers.

Pourquoi un tel enthousiasme ? Les raisons sont multiples. Certaines tiennent aux conditions internationales, à la recherche de rendements et à la forte liquidité poussant les investisseurs en direction de nouvelles classes d'actifs plus risquées mais à fort potentiel. Parallèlement, les opportunités d'investissements se sont accrues avec plus de 522 firmes désormais listées sur les marchés boursiers subsahariens, contre à peine 66 en 2000.

En Europe, le financier Suisse Nicolas Clavel a lancé le 1er juillet 2007 le tout premier hedge fund entièrement dédié à l'Afrique, Scipion African Opportunities Fund, un fonds d'investissement qui a pour ambition de réunir 700 millions de dollars.

Quelques semaines plus tard, c'était au tour du fonds du private equity sud-africain Pamodzi Investment Holdings de surenchérir avec le lancement d'un autre fonds panafricain de plus de 1,3 milliards de dollars, appuyé par des institutions financières nord-américaines. Quant au fonds londonien Blakeney Management, il se propose d'investir dans des pays comme l'Angola, le Mozambique ou encore l'Éthiopie, misant sur ces pays qui ont réussi à sortir de longues années de conflits. Au total, ce sont près de 3 milliards de fonds de private equity qui ont été levés au cours de l'année 2007. Peu de temps auparavant, le prince saoudien Al-Walid Ibn Talal avait également investi dans le secteur bancaire au Ghana, dans les télécoms au Sénégal et impulsé la création avec la banque HSBC d'un nouveau fonds, HSBC Kingdom Africa Investments, doté de 400 millions de dollars.

L’Afrique peut compter, si elle se fait confiance, refusant d’être la périphérie des autres ; si elle utilise le capital humain disponible pour organiser la production. Le continent aura besoin d’une stabilité politique et sociale nécessaire à son développement et cela passe par l’établissement d’une démocratie pérenne.

Dr Seraphin Prao, le 6 octobre 2009

jeudi 13 janvier 2011

L'ONU recolonise l'Afrique

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Pauvre Afrique, hier, on lui imposait ses dictateurs, aujourd'hui, on lui choisit ses "démocrates". Les rappeurs, ces Prévert des nouveaux temps, viennent d'inventer un néologisme qui fait fureur d'un bout à l'autre du continent : la démocrature. Entendez, ce système hybride (le visage de la démocratie, le corps diabolique de la dictature) qui a le don de déchaîner les passions et d'ajouter à la confusion.

Qui a gagné les élections en Côte d'Ivoire, qui les a perdues en Guinée ? Cette question qui a l'air d'embraser l'univers n'a aucun sens dans les faubourgs de Conakry et d'Abidjan où, bon an, mal an, la vie politique n'aura jamais qu'un seul régime, la disette, et une seule loi : "tout ce qui n'est pas obligatoire est interdit", pour reprendre le fameux mot de Léon Campo. Là-bas, on préfère d'expérience les mauvaises élections aux guerres civiles bien réussies. Mieux vaut encore Bokassa et Mobutu que les drames du Liberia ou de la Sierra Leone ! La bête humaine s'habitue à l'enfer du despotisme, certainement pas aux massacres à la rwandaise !

Or, les démons de la violence et de la haine hantent à nouveau la Côte d'Ivoire. Comme en 2000, le pays va se couper en deux, il va brûler comme une paille, plus rien ne peut l'empêcher. La faute à qui ? Au monde entier et d'abord et avant tout à cette fameuse communauté internationale qui n'est jamais mieux dans son rôle que quand elle rallume les incendies qu'elle est censée éteindre.

Formellement, ce "machin" derrière lequel se cachent les grosses griffes des Etats-Unis et de l'Union européenne ne pèse pas plus que le poids d'un arbitre. Son rôle se limite à prévenir les conflits et à proposer une solution négociée lorsque ceux-ci s'avèrent inévitables. Aucune circonstance exceptionnelle ne lui permet de déborder de ce cadre-là. C'est du moins ce que croyaient les néophytes, les sorciers de la diplomatie, eux ne manquant jamais d'arguments pour justifier l'injustifiable.

Disons-le clairement : l'ONU n'a pas à décider qui est élu et qui ne l'est pas à la tête d'un pays (le cas ivoirien compte peu en l'occurrence). Le faisant, elle outrepasse ses droits, ce qui lui arrive de plus en plus. Au point que derrière le langage feutré de ses diplomates, on distingue des bruits de bottes coloniales. A la manière dont Barack Obama, Nicolas Sarkozy ou Ban Ki-moon, traite ce pauvre Laurent Gbagbo, on croit revoir Gosier-d'Oiseau (célèbre personnage du Vieux nègre et la médaille, roman du Camerounais Ferdinand Oyono) transpirer sous son casque en engueulant ses nègres dans une plantation d'Oubangui-Chari.

Nous ne soutenons pas Laurent Gbagbo, nous nous contentons de rappeler un principe. D'ailleurs, le pestiféré d'Abidjan n'a pas besoin de notre soutien : l'arrogance des chancelleries et l'hystérie des médias travaillent pour lui. La diabolisation dont il est l'objet a fini par le rendre sympathique aux yeux de ses pires détracteurs. "A force de jeter une grenouille de plus en plus loin, on finit par la jeter dans une mare", dit un proverbe peul...

Nous ne contestons pas non plus l'élection d'Alassane Ouattara (nous sommes même convaincus que psychologiquement et techniquement, il est mieux outillé que n'importe lequel de ses concurrents pour gouverner). Nous disons simplement que le rôle de la communauté internationale ne revient pas à prendre des positions partisanes et à se répandre en déclarations intempestives encore moins dans une situation aussi explosive que celle de la Côte d'Ivoire. Pourquoi le défi et la menace du canon là où la discrétion, la ruse, la prudence et le tact bref, l'art de la diplomatie, auraient suffi ?

Nous n'allons pas apprendre à des géopoliticiens de métier que la Côte d'Ivoire est la pierre angulaire de la sous-région et que, si elle sombre, elle risque d'entraîner ses voisins, alors que la Guinée tente une périlleuse expérience démocratique et que Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) a déjà ses sanctuaires au Burkina Faso et au Mali. La situation paraît d'autant inquiétante qu'il plane sur la région un "non-dit" tribal lourd de menaces pour l'avenir : tout sauf un Dioula au pouvoir à Abidjan ; tout sauf un Peul au pouvoir à Conakry.

La Côte d'Ivoire mérite-t-elle de brûler pour les besoins des statistiques ou pour les beaux yeux de Laurent Gbagbo ou d'Alassane Ouattara ? Non, assurément non !

Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara, où est la différence ? Ils forment le trio maléfique qui a ruiné le pays d'Houphouët-Boigny. A Bédié, le poison de l'ivoirité, à Ouattara, celui de la sécession, à Gbagbo celui de la confiscation du pouvoir. Chacun de ces caïds a montré combien il était prêt à sacrifier sa patrie au profit de son pouvoir personnel. De ce point de vue, ils n'ont rien d'exceptionnel.

La quasi-totalité des chefs d'Etat africains sont au pouvoir à la suite d'un putsch sanglant ou d'une élection truquée. Une loi non écrite permet à chacun de tuer, de voler et de tricher pour arriver au pouvoir. La nouveauté, ce sont les "scrupules" avec lesquels les grands de ce monde regardent cela. Congo, Rwanda, Somalie, jusqu'ici ils ont encouragé les trucages électoraux et les putschs et fermé les yeux sur les pires atrocités au gré de leurs intérêts. Et voilà que ces messieurs sont soudain pris d'un excès d'états d'âme !

Eh bien, s'ils sont devenus aussi vertueux qu'ils le prétendent, pourquoi ne vont-ils pas fouiller dans les cuisines électorales du Burkina, de la Tunisie ou de l'Egypte ? Sont-ils sûrs que les dynasties présidentielles du Gabon et du Togo sont sorties de la vérité des urnes ? Se seraient-ils comportés ainsi s'il s'était agi de l'Iran, de la Birmanie ou de la Chine ?

Ce raffut fait autour de Ouattara est tel qu'il en devient suspect. Que veut sauver la communauté internationale, à la fin : la Côte d'Ivoire ou un de ses protégés ? Ouattara et Gbagbo sont les loups-jumeaux de la politique ivoirienne : même teint, même sourire carnassier, même poids électoral (l'un contrôlant la Commission électorale et l'autre la Cour suprême). Il y a cependant entre eux une différence de taille : le carnet d'adresses. Dans le monde mesquin et corrompu qui est le nôtre, plus besoin de formule magique, ce joujou-là suffit à ouvrir les plus secrets des sésames.

Ancien directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI), Ouattara se trouve au coeur du complexe réseau qui gouverne ce monde alors que, modeste professeur d'histoire, Gbagbo, hormis un bref exil à Paris, n'est jamais sorti de chez lui. Ce petit détail-là explique mieux que tout (les longs couplets sur la démocratie par exemple) pourquoi une simple élection africaine a pris une dimension mondiale. Le village global est bel et bien là : la planète des copains et des coquins ! Et ses lois s'appliquent partout aussi bien en Côte d'Ivoire que dans la Guinée voisine où, Alpha Condé, le président "élu" est un ami des présidents africains et un vieil habitué des ministères parisiens.

"Je ne me vois pas échouer cette élection", affirma le nouveau président guinéen au lendemain du premier tour alors qu'il accusait un retard de près de 25 points sur son concurrent. Il ne croyait pas si bien dire : l'élection fut prolongée de cinq mois, le temps sans doute que le "bon" candidat soit prêt avec à la clé, l'incendie de la Commission nationale électorale indépendante, les vols du fichier informatique, le tout suivi d'un véritable nettoyage ethnique. Il n'y eut aucune enquête et ces sourcilleux jurés de la communauté internationale n'y trouvèrent rien à redire. Comme pour confirmer ce que tout le monde savait déjà : pour être élu en Afrique, pas besoin de mouiller la chemise. Avec un peu de chance et quelques copains bien placés à l'ONU, à la Maison Blanche, à l'Elysée ou au Quai d'Orsay, vous êtes sûr de passer même à 18 %.

Tierno Monénembo, écrivain guinéen, Prix Renaudot 2008 in Le Monde, le 4 janvier 2011

LETTRE OUVERTE DE CALIXTHE BEYALA A BECHIR BEN YAHMED DE JEUNE AFRIQUE: «CE EN QUOI JE CROIS. OU PAS»


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D'aussi loin que me porte ma mémoire, il me semble qu'une seule et unique fois, je fus en désaccord avec vous, très cher Béchir Ben YAHMED. Et je vous le fis savoir.

C'était il y a fort longtemps, mais lorsque passe trop temps, ce dernier ne revêt plus aucune importance ; je l'avoue humblement, je n'ai nullement le sens du temps. C'était au sujet du nom du journal « Jeune Afrique ». Il me souvient que vous lui attribuiez alors le titre de « L'intelligent. » Mes yeux fulminaient de colère lorsque je vous en parlai. Aujourd'hui encore, je ne puis oublier votre sourire ; et cette manière très pétillante de me rétorquer que j'aurais dû vous écrire pour vous dire mon sentiment. Depuis ces temps si lointain, aucune particule, aucune ride ne s'est point posée sur le respect et l'amitié qui nous lient... Au moins, c'est CE QUE JE CROIS.


Voilà que pour la deuxième fois, un sujet nous oppose: les élections Présidentielles en Côte d'Ivoire.


Je ne crois pas que Monsieur Alassane OUATTARA soit le Président élu de la Côte d'Ivoire car pour cela, il eût fallu que sa victoire fût reconnue par le Conseil Constitutionnel de son pays; il me semble que ce n'est point le cas, me tromperais-je ? Aucune commission électorale, aussi noble soit-elle, ne saurait proclamer le vainqueur d'une élection, d'autant que dans le cas de la Côte d'Ivoire, cette commission électorale était constituée aux 2/3 par les membres de l'opposition....


Vous me rétorquerez que le Président du Conseil Constitutionnel Ivoirien est un homme du Président GBAGBO. Oui, sans aucun doute. Mais n'est-ce point le cas dans tous les pays du monde et même en France ? On se souvient tous du cas des U.S.A où s'opposait alors AL GORE et W. BUSH. La Cour suprême trancha en faveur de ce dernier alors qu'il bénéficiait de moins de voix que son adversaire. Il me semble n'avoir pas entendu des cris d'orfraie des démocrates du monde entier, me tromperais-je ? Il me semble que l'ONU ne battit pas un cil pour condamner cette « usurpation de pouvoir. »


Je ne crois pas que le Président Français Nicolas Sarkozy aime tant l'Afrique et ses habitants qu'il veille à la démocratisation du continent, voire au bien être de ses peuples. Je n'ai pas oublié le discours de Dakar... Je n'ai pas oublié les élections au Gabon. Ne fut-il pas le premier à féliciter BONGO fils ? Pourquoi ne fustigea-t-il pas ce dernier ? Pourquoi le félicita-t-il, alors que l'opposition contestait, preuve à l'appui, les résultats des Urnes ? Il me semble avoir raté, -ce qui m'étonne-, votre édito lapidaire sur ce hold-up électoral. Et j'ajoute que le documentaire sur la Françafrique a clairement démontré les impostures, les magouilles et les mille manigances de mon pays la France, pour placer et maintenir au pouvoir quelques despotes dévoués corps et âme à notre mère patrie.


Je ne crois pas en l'ONU, ce minuscule Club d'Etats riches où aucun pays d'Afrique ne siège en son Conseil de Securité ; je ne crois pas que L'UNION AFRICAINE soit libre de ses propos d'autant que malheureusement pour les africains, celle-ci est financée par l'Union Européenne.


Je ne crois pas que les dirigeants Africains soutiennent activement Alassane OUATTARA ; il me semble n'avoir vu aucune félicitation émanant d'un Chef d'Etat du continent, adressée au Président désigné par la Communauté Internationale. Mais qui se cache derrière cette nébuleuse ? Seraient-ce les mêmes qui croisent les bras pendant qu'on bombarde l'Irak ou l'Afghanistan ?


Je ne crois pas à ce souci d'alternance démocratique dont ils veulent nous abreuver. Combien de chefs d'Etats ont changé la constitution de leur pays pour pouvoir être élu pour la énième fois ? Combien d'entre eux occupent le poste de Président depuis vingt voire trente ans ? Pourquoi la soi disant communauté Internationale ne les condamne-t-elle pas ? Et la France, qu'en dit-elle ? Rien. Silence ! On exploite !


Je crois et permettez-moi de reprendre vos propos « la légende selon laquelle GBAGBO serait le grand défenseur de la souveraineté nationale et que ses positions tranchées lui ont valu l'hostilité de la France, » Il s'agit d'une réalité, vérifiée et palpable, confirmée en outre ces derniers jours par le documentaire français « la Françafrique. » Avez-vous oublié les implications de la France dans le coup d'état contre GBAGBO en 2002, ainsi que les multiples complots qui s'ensuivirent ?


Je crois que tous les Panafricanistes croient au complot contre la Côte d'Ivoire. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les deux manifestations organisées à Paris pour le soutien à la souveraineté de la Côte d'Ivoire et qui a réuni près de cinq mille personnes, battant le macadam dans le froid hivernal parisien. Donc GBAGBO n'est pas seul. Il a le peuple Africain à ses côtés. Je crois qu'autrefois, la France et ses acolytes organisaient des coups d'Etats armés pour déloger les Chefs d'Etats Africains qui ne correspondaient pas à leurs critères de sélection. Je crois que la forme de renversement des pouvoirs indésirables a évolué ; elle est plus subtile. Me permettez-vous d'introduire la notion de « Coup d' Etat électoral ? » Et si le Président GBAGBO en était une des dignes victimes ? Y aviez-vous songé ?


Je crois que la stratégie géopolitique voudrait que le Golfe de Guinée soit totalement sous contrôle Occidental. L'épuisement des puits pétrolifères dans le Golfe Persique et la résistance armée dans ces régions, justifient que l'Europe se tourne vers l'Afrique. Pour son pétrole. Pour ses matières premières. Pour ses innombrables richesses. Et aussi- il ne s'agit pas d'un argument moindre,- sa capacité de soumission bas-ventrale...


Je crois que tous les pays du Golfe de Guinée connaîtront le même sort que la Côte d'Ivoire dans un avenir plus ou moins proche.


Je crois tout simplement qu'Alassane OUATARA est pour les Occidentaux l'homme de confiance et que pour atteindre leurs objectifs, à savoir lui faire revêtir le costume de président de la Côte d'Ivoire, ils sont prêts à tout...


Je crois enfin que GBAGBO ainsi que le peuple Ivoirien se battront jusqu'au bout pour ne point se faire dépouiller... en témoigne le peu d'enthousiasme qu'a suscité l'appel à la mobilisation d'Alassane OUATARA.


Je ne sais pas s'ils y réussiront.


Voilà, cher Béchir Ben YAHMED, ce en quoi je crois. Ou pas.


Calixthe Beyala

Source: CAMEROON-INFO.NET

L'inversion de la réalité

Carte CIV

L’année 2010 s’est terminée comme elle a commencé à Radio-Canada et à d’autres antennes : dans le mensonge et l’occultation. Le cartel médiatique occidental participe actuellement à une opération psychologique masquant une tentative de coup d’État en Côte d’Ivoire orchestrée depuis Paris et Washington. Comme cela s’est produit au Rwanda, en 1994, le cartel a procédé à une inversion des rôles : les agresseurs sont devenus les bons et les agressés, des méchants. Aidés par l’Agence France-Presse (AFP), plaque tournante du dispositif de désinformation en langue française de la ploutocratie, Radio-Canada et quelques autres journalistes aveugles, le nez collé à leur fil de presse, essaient de mettre dans la tête des Québécois que le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, se maintient au pouvoir illégitimement. Selon eux, le chef de l’État ivoirien refuserait le verdict du deuxième tour de l’élection présidentielle, tenu le 28 novembre 2010.

En fait, ce qu’essaie de nous faire croire le cartel médiatique est exactement à l’opposé de la vérité. M. Gbagbo a remporté l’élection et préconise la négociation pour régler le conflit. Son rival, Alassane Ouattara, a perdu après avoir triché, se montre intransigeant et préconise la violence. Contrairement aux affirmations hypocrites de l’Élysée, qui se pare d’une objectivité feinte depuis l’envoi en Côte d’Ivoire des troupes françaises de l’opération Licorne, en 2002, M. Ouattara a toujours été le candidat favori de l’ancienne puissance coloniale et de ses maitres étasuniens. Le club des ploutocrates occidentaux basé aux États-Unis essaie d’endiguer la marée chinoise en Côte d’Ivoire, où la grande entreprise française est néanmoins encore très présente, voire favorisée. Loin de faire office d’arbitre, les bons clients de l’Empire qui se font appeler la « communauté internationale » sont en train de priver le peuple ivoirien de son droit de choisir librement son chef d’État.

La primauté du droit bafouée

Le gouvernement de la Côte d’Ivoire s’efforce, malgré la guerre civile, de respecter la primauté du droit. Selon la Constitution de la Côte d’Ivoire, qui a été approuvée par 86 % des électeurs lors de la consultation populaire de 2000 et que les défenseurs occidentaux de la démocratie devraient être les premiers à respecter, l’autorité suprême de l’État ivoirien est le Conseil constitutionnel. Or, Radio-Canada et les autres acteurs du cartel se gardent bien de donner les détails de la décision prise le 3 décembre 2010 par le Conseil constitutionnel à la suite du deuxième tour de l’élection présidentielle, et pour cause. Le Conseil constitutionnel a constaté que des violations flagrantes des règles électorales, allant du bourrage d’urnes à l’empêchement de voter, en passant par l’intimidation et la violence contre les électeurs, ont été commises dans les régions sous l’emprise des Forces nouvelles, la rébellion armée à laquelle est associé M. Ouattara. C’est à l’issu de ce constat dument étayé que le Conseil constitutionnel a déclaré M. Gbagbo vainqueur du deuxième tour de l’élection.

Fidèle à ses méthodes insurrectionnelles, M. Ouattara s’est retranché dans un hôtel d’Abidjan, et ses alliés étrangers l’ont proclamé vainqueur avant même que ne soit connue la décision du Conseil constitutionnel, en s’appuyant uniquement sur les résultats provisoires annoncés hors délai dans le même hôtel par Youssouf Bakayoko, président de la Commission électorale indépendante, un organisme en réalité largement favorable à M. Ouattara. M. Bakayoko aurait été emmené à l’hôtel par l’ambassadeur de France et l’ambassadeur des États-Unis, selon Laurant Gbagbo. Au premier tour, pourtant, M. Ouattara et ses alliés avaient attendu que le Conseil constitutionnel se prononce. Au deuxième tour, ils n’ont pas attendu, car ils se savaient coupables de fraudes électorales massives dans le Nord du pays. M. Ouattara et son premier ministre fantoche, Guillaume Soro, sont devenus les chouchous de l’AFP, dont les journalistes ont, eux aussi, élu domicile dans le fameux hôtel.

Le président Gbagbo a proposé que la crise soit dénouée pacifiquement en formant un comité d’évaluation international pour vérifier la validité des résultats proclamés par le Conseil constitutionnel. Ce comité serait dirigé par un représentant de l’Union africaine, comprendrait des représentants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, de l’Union africaine, de la Ligue arabe, des Nations Unies, des États-Unis, de l’Union européenne, de la Russie et de la Chine. Or, cette proposition, dont le cartel médiatique ne nous dit mot, a trouvé comme seule réponse les appels à la guerre lancés par le camp Ouattara et certains de ses complices, en particulier le Nigéria.

Les deux poids, deux mesures de la communauté internationale

Lorsque la soi-disant communauté internationale parle vaguement du Conseil constitutionnel, c’est pour semer le doute sur son impartialité en prétextant que ses membres ont été nommés par Laurent Gbagbo. Or, au Canada, par exemple, les juges de la Cour suprême sont nommés par le tout puissant premier ministre, qui choisit aussi d’autres juges ainsi que les sénateurs, les ministres, les sous-ministres, les présidents des sociétés d’État et le commissaire de la GRC.

Et pourtant, la communauté internationale n’a pas envoyé des casques bleus s’interposer lorsque le Cabinet de Pierre Elliott Trudeau, composé de ministres nommés par lui, a proclamé la loi sur les mesures de guerre, en 1970, pour intimider et emprisonner sans motif valable près de 500 Québécois. L’ONU n’a pas proclamé l’indépendance du Québec après les fraudes massives du camp fédéraliste lors du référendum de 1995. Le cartel médiatique n’a pas jeté l’opprobre sur l’inique Loi de clarification de Stéphane Dion et son patron Jean Chrétien. Ni Paris, ni Washington n’ont mis en doute l’objectivité de la Cour suprême lorsqu’elle s’est prononcée en réponse au renvoi sur la sécession du Québec. Personne n’est venu de l’étranger pour protéger avec des blindés le millier de Canadiens intimidés, arrêtés arbitrairement, jetés en prison et maltraités, parfois jusqu’à la torture, au sommet du G20 de Toronto.

Les pays occidentaux ont le droit de combattre les mouvements pacifiques de contestation ou de libération nationale par la supercherie, les menaces et la violence. Ils ont le droit de se draper dans une fausse démocratie alors que leurs dirigeants agissent en véritables dictateurs. Mais les pays africains, eux, n’ont pas le droit de se défendre contre les agresseurs lourdement armés qui déclenchent des guerres civiles, qui sont financés par de puissants intérêts étrangers et qui n’ont aucun respect pour la démocratie, les lois et la vie humaine.

Bernard Desgagné (Canada), in vigile.net, le 06/01/2011