Tibéhirine-Karachi-Bouaké : quel rapport ?
Avons-nous tort de ne pas y regarder de plus près ? En France actuellement, chiraquiens et sarkozystes semblent laver le linge sale des affaires diplomatiques de la droite par révélations médiatiques et offensives judiciaires interposées. Deux affaires sont au centre des polémiques.
La première concerne l'attentat du 8 mai 2002 sur un chantier géré par la Direction des Constructions Navales (DCN) française à Karachi (Pakistan), qui a coûté la vie à quatorze personnes, dont onze ingénieurs et techniciens hexagonaux. De toute évidence, dès le départ, les "milieux autorisés" savaient que cet attentat était le fruit de la "vengeance" de barons pakistanais. Des pontes furieux parce qu'un pacte de corruption liant les deux pays dans le cadre d'un marché de vente d'armes d'une valeur de 950 millions de dollars, signé le 2 septembre 1994, n'ait pas été respecté par Paris - les "chiraquiens", après avoir gagné la bataille électorale en 1995, avaient remis en cause le "deal" pour empêcher les balladuriens, groupe dont faisait partie Nicolas Sarkozy, de "manger". Malgré les évidences et les témoignages de spécialistes américains de la sécurité, une gigantesque machine à manipuler s'était mise en branle pour accuser Al-Qaeda de l'attentat. Complaisante, la justice française s'est laissée manipuler, acceptant de ne lire que des documents largement amputés, notamment en raison de "clauses secrètes". Toute la France a entériné un mensonge. Jusqu'à ce que, ces dernières semaines, des "révélations" remettent la déplaisante vérité au goût du jour - les ingénieurs et techniciens français ont payé le prix de la passion de leurs responsables administratifs et politiques pour les dessous-de-table et de contradictions entre groupes antagonistes se fichant absolument de l'intérêt national.
La deuxième affaire concerne le massacre de sept moines français à Tibéhirine (Algérie) en mai 1996. Jusqu'à des récentes révélations d'un général à la retraite affirmant que ces religieux avaient été victimes d'une bavure de l'armée algérienne, la raison d'Etat avait sanctuarisé la thèse d'un massacre perpétré par les Groupes Islamiques Armés (GIA). L'Etat français avait classé les témoignages allant dans le sens contraire "secret défense"... au nom de la lutte contre l'ennemi islamiste et de la raison d'Etat.
Aujourd'hui, les analystes français considèrent que la "révélation" sur l'Algérie est une réponse des balladuriens/sarkozystes, qui auraient tout à perdre d'un déballage public sur l'attentat au Pakistan, qui serait en train d'être orchestré par les chiraquiens/villepinistes.
Toutes ces histoires sordides m'intriguent et m'intéressent parce qu'elles nous renseignent sur la "culture" de la nomenklatura française et sur l'étendue de ses tendances manipulatoires. Ces histoires me font penser à l'affaire du bombardement du camp français de Bouaké, qui aurait coûté la vie à 9 soldats français et a conduit à une guerre franco-ivoirienne dans les rues d'Abidjan.
En Côte d'Ivoire comme au Pakistan, des sordides intérêts mesquins se confondaient avec l'intérêt national de la France. Qui ignore que durant longtemps, des fonds occultes ont circulé entre Paris et Abidjan, et que ces fonds ont financé la carrière politique de responsables français de très haut niveau, trop impliqués dans les affaires internes de leur ancienne colonie pour rester raisonnables ?
A Bouaké comme à Tibéhirine, les corps des victimes françaises sont soustraits à l'autopsie et aux regards des médecins légistes. Dans le cas ivoirien, le pouvoir français a affirmé que les corps des victimes étaient trop amochés pour faire l'objet d'une autopsie, et même pour être vus par leurs parents, ce qui a rendu possible l'interversion de deux corps. Dans le cas algérien, on n'a retrouvé que les têtes - parce que les corps auraient démenti la version officielle, affirment les tenants de la thèse de la "bavure" de l'armée régulière - et le pouvoir français a fait pression sur le clergé pour que cette vérité essentielle ne soit pas révélée, après avoir tenté d'ensevelir les corps sans les montrer à qui que ce soit.
Dans les trois cas, on constate que le secret défense est instrumentalisé d'une drôle de manière, qui entrave toujours la manifestation de la vérité. Comme s'il s'agissait moins de protéger l'Etat que de protéger des serviteurs de l'Etat jouant aux apprentis-sorciers à l'étranger.
Après Karachi et Tibéhirine, on n'a plus le droit de considérer la version officielle française des événements de novembre 2004 en Côte d'Ivoire comme une vérité d'Evangile. On a plus que jamais le devoir de s'interroger sur les documents camouflés par le ministère français de la Défense. Surtout quand de nombreux éléments nous poussent à des interrogations légitimes.
Au fait, pourquoi Nicolas Sarkozy est-il favorable à la déclassification dans le cas algérien et maintient-il l'omerta et le secret défense dans le cas ivoirien - notamment à propos du rapport de fin de mission de Gildas Le Lidec, ambassadeur français à Abidjan en novembre 2004 ? Parce que "sa" chiraquienne - Michèle Alliot-Marie - serait éclaboussée ?
15:21 Publié dans Barbouzes et Dépendances
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